La Peur

La Peur

Analyse détaillée des procédés d'une scène du film

Résumé et situation dans l'oeuvre :

Après la disparition d'une des filles Perron, les époux Warren parviennent à la retrouver dans un passage situé au fond d'une armoire (5, voir article « résumé et structure »). Dans celui-ci, ils découvrent des objets abandonnés, comme des vieux jouets d'enfants, où se trouvait la boîte à musique avec laquelle jouait la plus petite des filles Perron, ainsi qu'une corde de pendu. Soudain, le plancher cède et Lorraine Warren chute jusque dans la cave. Elle utilise la boîte à musique tombée avec elle et, dans le miroir de celle-ci, aperçoit une mère tenant son enfant mort dans les bras, ainsi qu'un couteau. Puis cette dernière se retrouve devant elle, suivie par un pendu, qui apparaît dans la cave. Terrifiée, Lorraine Warren essaye de remonter jusque dans la maison, mais son collier, celui que lui avait offert sa fille, la retient. Finalement, elle parvient à le détacher et à s'échapper de la cave.



Procédés :

 

 

 Situation

Procédés utilisés

Lorraine Warren observe le lieu situé derrière l'armoire. Présence de la boîte à musique, ainsi que d'une corde de pendu

Les deux objets sont des motifs récurrents dans le film. La corde fait référence au pendu apparu plus tôt dans le film. La boîte à musique, quant à elle, a été utilisée par la plus petite des filles Perron, et Lorraine Warren a déjà aperçu le fantôme d'un garçon dans son miroir.

 

Le plancher cède et Lorraine Warren tombe dans la cave. Ed Warren, son mari, se précipite pour frapper contre le mur afin de savoir où elle est tombée. Des scènes montrant l'un, puis l'autre s'alternent tout au long de la séquence.

Évènement soudain qui provoque la surprise (chute), et donc parfois un sursaut de frayeur. La lumière et les couleurs opposent les deux types de scènes: celles montrant Lorraine sont sombres, avec des couleurs froides, tandis que celles montrant Ed, sont lumineuses, avec couleurs chaudes (opposition de deux univers, l'un dangereux, la cave, l'autre plus rassurant, la maison, le foyer).Une musique rapide et aigüe, jouée par des instruments à cordes (semblable à celle de la scène de la douche dans Psychose, d'Alfred Hitcock) débute. Ce type de thème est récurrent dans les films d'épouvante, comme une sorte de code, utilisé pour faire monter la tension chez le spectateur.

Lorraine regarde autour d'elle au moyen de sa lampe torche.

La musique s'est arrêtée. Le silence met nos sens aux aguets, à l'affut du moindre bruit. Au contraire de la musique, le silence fait monter une angoisse plus sourde, car nous attendons qu'il se produise quelque chose, sans en connaître le moment exact.Jeu de lumière avec la lampe: seule une petite partie de la cave est éclairée, à la fois. De plus, la caméra est placée comme si nous voyions par les yeux de Lorraine Warren, qui ne peut pas avoir, elle non plus, de vision entière de la cave. Ce qui effraie ici, est le hors-champ, ce que nous ne voyions peut-être pas. (jeu sur l'implicite) 

Lorraine remonte la boîte à musique, tout en regardant dans son miroir. On entend la mélodie, puis des pleurs se rajoutent par-dessus. Dans le miroir, on aperçoit soudain la silhouette d'une femme tenant un couteau ensanglantée dans la main, et penchée au-dessus du corps d'un enfant. La musique s'arrête et on voit la mère en arrière-plan de Lorraine. Celle-ci tourne la tête vers Lorraine. Une musique quasiment inaudible (comme un souffle) débute. Lorsque Lorraine se retourne, la mère et son enfant n'y sont plus. 

 

 

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(pour une meilleure visibilité, la saturation des images a été augmentée)

La mélodie de la boîte à musique agit elle-aussi comme un motif récurrent. Elle rappelle l'enfance, mais on sait déjà, nous spectateur, qu'elle intervient souvent dans le film lorsque quelque chose de surnaturel va se produire. La succession de plans où on voit la mère et son enfant d'abord dans le miroir, puis directement, provoque la peur: ce n'est plus seulement une apparition, mais une chose réelle. Mais le doute revient, lorsque Lorraine se retourne et que la mère ne s'y trouve plus. De plus, le couteau couvert de sang contribue lui-aussi au caractère horrifique de la scène. La musique presque inaudible peut, quant à elle, correspondre au bruit de créatures surnaturelles. Très basse, elle met nos sens aux aguets.

 

 

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Lorraine regarde à nouveau le miroir, mais lorsqu'elle le baisse, le visage de la mère se trouve juste devant elle. Une musique plus forte ponctue cet instant. La mère prononce "elle m'a obligée à le faire", puis tourne la tête vers le hors-champ, semblant effrayée. Il y a un bruit de corde de pendu sur le bois et Lorraine se retourne, tandis que la mère disparaît.

 

 

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L'apparition de la mère derrière le miroir, ponctuée par un accord plutôt fort, provoque la surprise et donc la peur. Le visage est pâle, les yeux cerclés de maquillage noir qui semble avoir ruisselé sur ses joues, les lèvres rouges, elles-aussi poursuivies par des traînées de maquillage rouge. Son apparence renforce elle-aussi le caractère horrifique. L'emploi du pronom "elle" renvoie à une personne ou une chose que l'on ne connaît pas ou mal, une menace indéfinie, et donc propre à provoquer l'angoisse. De plus, la phrase de la mère peut elle-aussi déclencher la peur, car elle parle du meurtre de son fils.Le hors-champ est ce que nous ne voyions pas donc, lorsque la mère tourne la tête vers celui-ci, effrayée, on se demande ce qu'il peut bien y avoir. La crainte ressentie est donc différente selon les spectateurs et ce qu'ils ont le temps d'imaginer.

Lorraine regarde dans la cave. On entend un souffle et un grognement sourd. Alors que Lorraine Waren s'approche d'un endroit de la cave pour mieux voir, le pendu (seulement ses pieds) apparaît dans un bruit de corde. Lorraine pousse un cri, et la musique reprend.

 

 

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Réutilisation des jeux de lumière avec la lampe torche. Le silence fait place à des bruits inhumains, qui sont aussitôt apparentés à une menace. La tension monte chez le spectateur, qui guette le moment où quelque chose se produira (l'acmé, ici, l'apogée de l'angoisse). L'apparition du pendu constitue ici une acmé. Il provoque la surprise, et donc, préparé par la période d'angoisse où il ne se passait rien juste avant, la peur. La musique, qui repose toujours sur les mêmes types d'instruments et de tonalité, ponctue chaque moment de surprise. Les instants "d'attente", utilisés pour faire monter l'angoisse se font quant à eux dans le silence. On peut donc observer une utilisation systématique de la même bande-son pour les moments ayant le même objectif.

Le pendu se met à tourner. On entend comme des coups frappés sur le bois. Lorraine halète puis se met à hurler en s'enfuyant. Le pendu se balance vers elle. Un plan sur le visage de la mère qui pousse un râle. Lorraine court, mais son collier la retient, tandis que la musique se fait plus forte. Elle parvient finalement à le détacher et à remonter de la cave.

Les bruits de corde, désagréables à l'oreille, nous plonge dans l'univers des esprits et de morts. Les coups portés sur le bois ne semblent pas avoir d'origine. On ne sait pas s'ils viennent de l'extérieur ou d'une autre créature présente elle-aussi dans la cave. Le doute peut alors provoquer l'angoisse. Le pendu qui se balance, la mère qui pousse un râle, la fuite de Lorraine, leurs plans se succèdent très rapidement, faisant monter la tension chez le spectateur. Nous sommes à l'apogée de la scène, le moment où les forces surnaturelles "s'en prennent" à Lorraine Warren. La musique accompagne une fois encore cette succession de plan.

La panique de Lorraine déclenche l'effroi, car nous ressentons une partie de ses émotions grâce à l'empathie que nous avons pour elle (plus ou moins forte selon le spectateur). Plus tôt dans l'extrait, le personnage gardait son sang-froid et sa raison, malgré les apparitions surnaturelles. A partir du moment où elle perd le contrôle de ses émotions, toute la tension et l'angoisse accumulées durant la scène se relâche, provoquant une peur plus forte, liée à la surprise, mais aussi à la surcharge d'informations que doit traiter notre cerveaux (musique, nombreux plans, cris, mouvement des personnages,...)Le collier est lui-aussi un motif récurrent. Il a été donné à Lorraine par sa fille. L'esprit maléfique, en la retenant par le bijou, l'attaque donc, métaphoriquement, par sa faiblesse, sa famille, qu'il veut détruire.

 



Cet extrait est très représentatif des différents procédés utilisés au cours du film. Tout d'abord, la musique, ainsi que tous les autres bruits, ou même le silence, qui jouent un rôle prépondérant. Ensuite, les objets récurrents, qui marquent le film, et lient les différents événements horrifiques entre-eux. Enfin, la tentative d'anéantissement de la famille est un des thèmes abordés dans l'intrigue, que l'on retrouve, là encore métaphoriquement, dans la destruction des portraits de la famille Perron par l'esprit maléfique, plus tôt dans le film.

En dernier lieu, le schéma binaire, une montée de l'angoisse, suivi par un événement soudain et effrayant, se retrouve lui-aussi tout au long du film, lui donnant, entre autres, son caractère horrifique. 



31/01/2016
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