La peur
Les origines de la peur: théorie de l’inné et de l’acquis
Les phobies et les peurs peuvent venir d’évènements ayant eu lieu dans la vie précoce et qui basculent dans l’inconscient, par ex. un enfant mordu par un chien. Mais tous les enfants mordus n’acquièrent pas la phobie des chiens. Il y aurait donc des prédispositions génétiques. C’est le principe de l’inné et de l’acquis. Une personne naîtrait avec une « vulnérabilité » à la peur due à des prédispositions génétiques. Les scientifiques ont pu observer que la peur était un mécanisme polygénique et qu’elle dépendait donc d’un ensemble de gènes. Ces gènes ne s’expriment pas tous de la même façon en fonction des individus, et s’expriment donc plus ou moins dans le comportement d’une personne.
Cette vulnérabilité génétique ne fait pas systématiquement d’un individu une personne phobique, mais le rend plus vulnérable aux événements. Selon l’environnement dans lequel il évolue et l’éducation qu’il reçoit, sa phobie se développera plus ou moins (ex: des parents phobiques « encouragent » le développement des phobies). Certaines peurs, comme celle de l’eau ou du vide semblent plus influencées par des facteurs génétiques, tandis que pour une phobie de la conduite consécutive à un accident, les facteurs environnementaux pèsent évidemment plus lourd. Dans la plupart des cas, les phobies dépendent donc d’une interaction gène et environnement (l’épigenèse).
Certaines phobies se développent suite à un apprentissage social. Par exemple, un jeune singe élevé en laboratoire n’aura pas naturellement peur des serpents. Cependant, si on lui montre une vidéo d’un singe plus âgé effrayé par un reptile, il développera cette peur à son tour. Pourtant, si on remplace dans la même vidéo le serpent par une fleur, le singe n’apprendra pas à avoir peur de ces dernières. C’est d’ailleurs pour cela qu’on ne trouve pas de nos jours des personnes phobiques des objets inoffensifs tels que les crayons ou les brosses à dents. Cela appuie encore l’origine génétique de nos peurs.
La théorie de l’évolution explique que certaines peurs se soient inscrites dans nos gènes. Les situations auxquelles sont aujourd’hui rattachées de nombreuses peurs et phobies sont des situations, qui, il y a des milliers d’années étaient dangereuses pour nos ancêtres, telles que la peur du vide ou des animaux. Les individus qui ont appris à avoir peur de ces situations ont survécu et transmis leur patrimoine génétique à leurs descendants. Certaines de ces peurs, telles que la peur du noir ou celle des animaux sauvages, sont cependant devenues inutiles ou de nos jours, et étant donné que les organes et fonctions qui deviennent inutiles à une espèce ont tendance à s’atrophier, on peut se demander pourquoi l’espèce humaine est encore effrayée par des situations aujourd’hui parfaitement inoffensives. Il se trouve que l’évolution est un processus très long, et si on considère l’existence du monde sur une journée de 24h, le monde que nous connaissons aujourd’hui et dans lequel la peur du noir par exemple n’est plus vraiment nécessaire ne représente que la dernière seconde.
Des scientifiques soupçonnent que des phobies présentes chez certains individus puissent avoir pour origine les stress « in utero », c’est à dire que l’individu aurait gardé des traces du stress et des problèmes émotionnels de sa mère, qu’il aurait ressenti alors qu’il n’était encore qu’un fœtus. Notre cerveau a en effet une certaine neuroplasticité, c’est à dire qu’il garde toujours une trace de nos expériences vécues, et c’est cette dernière qui explique qu’il est possible de soigner les phobies par des thérapies, qui ont pour but de modifier en retour la dimension biologique de nos peurs, c’est à dire qu’elles tentent de désapprendre à notre cerveau à assimiler certaines situations à des expériences négatives.
Cette théorie de l’inné et de l’acquis se révèle féconde sur le plan scientifique et thérapeutique. Ainsi, certaines phobies (ex: phobie sociale) peuvent être traitées au moyen de médicaments qui agissent sur la transmission de la sérotonine cérébrale (neurotransmetteur, une substance qui permet de transmettre l’influx nerveux entre les neurones) et diminuent donc l’intensité de la peur (voir circuit de la peur). Mais ces médicaments ne résolvent pas entièrement le problème. A long terme, on obtient de meilleurs résultats avec la psychothérapie (thérapies cognito-comportementales, qui visent à remplacer les idées négatives et les comportements inadaptés par des pensées et des réactions en adéquation avec la réalité). D’autres thérapies font en sorte d’immerger le patient dans un univers virtuel (univers qu’il redoute) grâce à un casque de réalité virtuelle. Cela habitue le patient à maîtriser ses émotions dans la situation redoutée.
Les deux routes de la peur dans le cerveau
Lorsque nous sommes confrontés à une situation où nous avons peur, un stimulus, facteur déclenchant une réaction comportementale, est alors envoyé à notre cerveau. Ce stimulus se sépare et prend deux routes différentes avant d’atteindre le tronc cérébral, partie du système nerveux central.
1. La première route est courte (environ 12 millisecondes) mais imprécise. Une partie du stimulus passe par le thalamus qui a pour rôle de recevoir des informations sensorielles de les analyser et de les envoyer ici directement à l’amygdale. Il existe deux amygdales dans le cerveau. Ces deux structures ont pour fonction le décodage des émotions. Ce sont elles qui donnent le signal d’alerte pour déclencher la peur. Cette route permet une meilleure réactivité de l’amygdale, mais elle ne réalise qu’une estimation grossière du danger.
2. La deuxième route, plus longue (environ 24 millisecondes), est plus précise. L’autre partie du stimulus reçu par le thalamus est alors transmis au cortex cérébral, tissu recouvrant les deux hémisphères du cerveau, qui l’analyse. Le stimulus est ensuite envoyé à l’hippocampe qui a pour fonction la mémorisation à long terme. L’hippocampe cherche donc une situation identique pour retransmettre les informations associées. Puis l’hippocampe transmet ces informations à l’amygdale. Ainsi, selon la nature de la menace, l’amygdale bride ou accentue les réactions physiologiques qu’elle avait déclenchées après avoir reçu le message par la route courte.
Ex: On marche en forêt et on voit soudain une forme ressemblant à un serpent. Aussitôt, le message passe par la route courte et l’amygdale déclenche certains symptômes: on sursaute et le cœur s’emballe. Puis le reste du message arrive par la route longue: le serpent n’était qu’une liane, l’amygdale dit au corps de se remettre normalement en route ou c’est bien un serpent, l’amygdale déclenche la libération d’adrénaline et donne l’ordre de fuir (par ex.).