La Peur

La Peur

La peur en littérature


La peur en littérature

Lorsqu’on cite la peur, on a souvent tendance à penser cinéma d’horreur. Pourtant, la littérature n’a pas attendu son invention pour tenter de nous effrayer. 

Usant de la peur pour en tirer un enseignement ou expliquer le monde, les contes de fées, depuis édulcorés par des auteurs comme Charles Perrault, ainsi que les mythes et légendes, sont à l’origine de nos romans d’épouvante modernes. Mais le premier vrai genre littéraire que l’on peut qualifier d’« horrifique » est le roman gothique. Apparu au XVIIIe siècle , présent particulièrement en Grande-Bretagne, il se caractérise par les lieux où se situe l’intrigue, ainsi que leur atmosphère. Des romans comme Le Château d’Otrante d’Horace Walpole, publié en 1764, ou encore Les Mystères d’Udolphe, d’Ann Radcliffe de 1794, tiennent place dans la lande ou la campagne déserte, au sein de châteaux anciens aux longs corridors et peuplés de fantômes ou de créatures surnaturelles. Ces créatures, les auteurs gothiques du XIXe siècle se plairont à les développer, comme le personnage du vampire chez Bram Stocker (Dracula, 1897) ou Sheridan le Fanu (Carmilla, 1872), ou du monstre avec le Frankenstein de Mary Shelley, publié en 1818.

Durant le même siècle, se développe aussi le fantastique. Ce genre, alors très prisé sous forme de nouvelles, correspond à l’apparition d’événements étranges dans un cadre réaliste, sans que le lecteur ne puisse à un moment déterminé s’ils ont une explication rationnelle ou non. Ce doute, cette menace imprécise, c’est ce que Freud nomme l’ »unheimlich », traduit par l’ »inquiétante étrangeté » en français. Les grands thèmes sont bien entendu l’apparition de fantômes ou d’esprit, mais aussi la folie et les hallucinations. Les grands maîtres du genre sont, entre autres, Guy de Maupassant, Le Horla (1887), La Chevelure (1884), … et Edgar Allan Poe, auteur des Nouvelles histoires extraordinaires.

Dans les années 1950, on assiste à une approche plus « psychologique » du genre de l’épouvante. C’est entre autres le cas pour des auteurs comme Richard Matheson, qui écrit en 1950 le Journal d’un monstre, raconté par le monstre lui-même, ou encore Shirley Jackson (Maison Hantée, 1959). 

Le genre principal de la peur est le roman d’horreur, aussi appelé roman d’épouvante. Celui-ci a pour but direct de faire éprouver au lecteur de l’angoisse, et même de l’effroi. Il est souvent mêlé à d’autres genres, comme le roman policier, la fantasy ou la science-fiction. Relancé par deux romans dans les années 1970, qui seront plus tard adaptés au cinéma, Rosemary’s Baby d’Ira Levin (1967) et L’Exorciste de William Peter Blatty (1971), le genre est aujourd’hui largement représenté par des collections comme Chair de Poule ou des écrivains comme Stephen King. 

Certaines oeuvres appartenant à des genres comme le thriller ou encore la dark fantasy, sont parfois considérées comme des romans d’épouvante. Les deux se caractérisent par une ambiance sombre et pessimiste de la nature humaine et du monde, effaçant les frontières entre les notions de Bien et de Mal. Mais si les thrillers se passent plutôt dans notre univers, s’inspirant des tueurs en série ou de la folie – on peut par exemple citer Le Silence des Agneaux de Thomas Harris, publié en 1988, ou encore Shutter Island de Dennis Lehane (2003), la dark fantasy prend plutôt place dans des mondes parallèles et moyennâgeux (comme l’heroic-fantasy). Des auteurs célèbres de ce dernier genre sont par exemple H.P. Lovecraft (Le mythe de Chtulu, 1928) ou Clive Baker (Everville, 1994).

Mais malgré des oeuvres et des auteurs emblématiques, la littérature doit sans cesse évoluer, en même temps que nos peurs, car ce qui terrifiait les lecteurs du XVIIIe siècle, ne nous effraie plus forcément aujourd’hui. C’est le même phénomène qui touche l’industrie du cinéma.

Pour réussir à nous insuffler la crainte et l’effroi, les auteurs sont divisés en deux écoles: celle de l’horreur implicite, et celle de l’horreur explicite. La première laisse les lecteurs imaginer eux-mêmes ce qu’il peut se passer, les faisant douter, comme dans les nouvelles fantastiques. Pour cela, il existe différentes techniques, de narration par exemple, le narrateur étant souvent interne, car il offre un point de vue subjectif et réduit de la situation (ex: journal intime). On peut par exemple citer Laissez venir à moi les petits enfants de Stephen King (1972). La seconde école nous décrit l’horreur avec le plus de détails possibles. Cette méthode aboutit parfois à une surenchère de l’horreur. Un roman célèbre est Les Rats de James Herbert, publié en 1974. 

Il existe aussi des techniques ponctuelles, qui permettent de créer la peur. Ainsi, les auteurs montrent parfois aux lecteurs des choses que le protagoniste ignore. Averti, nous craindrons en amont pour le personnage, qui lui ne se doute de rien. La longueur des phrases a aussi son importance. Des phrases courtes accéléreront un passage, faisant monter la tension chez le lecteur. Une syntaxe déstructurée et des phrases nominales ou séparées par des points de suspension nous plongeront pleinement dans l’esprit d’un personnage fou ou tourmenté (comme à la fin de La Chevelure de Maupassant). Les oeuvres d’épouvante usent parfois aussi de motifs récurrents, comme d’objets ou d’apparitions inquiétantes ou obsédantes. On peut par exemple citer le portrait dans Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde en 1890, ou encore le clown de Ca de Stephen King, publié en 1986. Enfin, comme au cinéma, la littérature de l’horreur joue sur la gradation, les événements s’enchaînent de plus en plus vite, et de plus en plus terrifiants, jusqu’à l’acmé, le point le plus haut dans l’intrigue, et la peur.


31/01/2016
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